Un article a attiré mon attention : une théorie des organisations fondée sur la stupidité (A Stupidity-Based Theory of Organizations, par Mats Alvesson et André Spicer).

Les auteurs remettent en cause la théorie selon laquelle les organisations contemporaines s’appuient sur la mobilisation des capacités cognitives. Ils suggèrent que ces capacités sont fortement restreintes par ce qu’ils appellent « stupidité fonctionnelle ». Cette stupidité se manifeste par :

  • l’absence de réflexion sur les hypothèses qui fondent nos opinions et nos connaissances ;
  • un refus d’utiliser largement nos capacités intellectuelles ;
  • la tendance à éviter de justifier ses opinions.

Les deux auteurs considèrent que la stupidité fonctionnelle réprime et marginalise les doutes, et bloque la communication. Une conséquence est que les certitudes sont renforcées, ce qui améliore le sentiment de sécurité des individus mais renforce encore cette stupidité.

L’article, plutôt long, m’a enchantée ! Il explique bien que les individus d’une organisation ont tendance à créer des routines qui permettent de savoir comment réagir à une situation, qui interdisent la discussion de certains sujets, qui permettent d’éviter les surprises, l’embarras et les risques. Malheureusement, ces routines permettent aussi d’éviter d’apprendre et de questionner. L’organisation devient engluée dans des schémas dont personne ne peut plus sortir.

Les personnes habituées aux petites entreprises perçoivent bien que les salariés d’une grande entreprise ont des schémas de pensée « bizarres ». L’inverse est certainement vrai également. Nous voyons que d’autres ont l’intelligence bloquée par des schémas de pensée, mais nous ne nous rendons pas compte qu’il en va de même pour nous.

Storm drain Selon les auteurs de l’article, la stupidité fonctionnelle se manifeste par le refus ou l’incapacité à mobiliser trois aspects des capacités cognitives :

  • la réflexivité, qui consiste à questionner les convictions et les normes internes à l’entreprise (voir l’article La douche glacée de la résolution de problèmes). Les acteurs de l’organisation ne remettent alors pas en cause les croyances dominantes. Les règles, habitudes et normes sont considérées comme inaltérables, naturelles et bonnes. On n’envisage même pas de les remettre en cause.
  • Peu de justification : les acteurs ne demandent et ne fournissent pas les raisons et les explications. Les individus n’exercent pas d’examen critique de ce qui est demandé ou affirmé.
  • Manque de raisonnement de fond : les acteurs cherchent à atteindre des buts de court terme, sans se demander quel est le but global.

Au final, la stupidité fonctionnelle se manifeste par un manque de curiosité, un esprit fermé, un refus de questionner les schémas organisationnels en cours. L’anxiété et l’insécurité personnelle peuvent renforcer cette stupidité fonctionnelle.

Evidemment les auteurs ne prétendent pas que tout le monde est stupide au travail. Ils pensent cependant qu’il y a une incapacité ou un manque de volonté d’utiliser les capacités cognitives et reflexives des individus autrement que sur des sujets très spécifiques et étroites. Et oui, l’intelligence peut coexister avec la stupidité fonctionnelle.

Dans la plupart des entreprises, on encourage le respect des règles internes et on décourage la critique ou le questionnement. Ce faisant, on favorise la stupidité fonctionnelle !

Dans votre entreprise, l’intelligence coexiste-t-elle avec la stupidité fonctionnelle ?

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