Les praticiens de l’amélioration continue (lean management) préconisent la standardisation du travail. Ce n’est pas une notion facile à comprendre, ni à accepter !

Standardiser le travail, ça évoque de terribles conditions de travail, (Charlie Chaplin dans « Les Temps Modernes » par exemple). Standardiser le travail, ça fait aussi craindre, des périodes de travail d’un ennui profond.

Enfin, standardiser le travail fait aussi penser à ces procédures mises en place dans de nombreuses structures certifiées ISO 9001. Ces procédures, trop de salariés les critiquent mais sont contraints de les respecter.

Pourtant, on observe des situations de travail dans lesquelles la standardisation permet de procurer un travail bien plus intéressant qu’avant, une qualité mieux maîtrisée et souvent une productivité améliorée. C’est pourquoi j’ai envie de parler avec vous des standards au travail.

La routine, ça tue la motivation !

« Un travail standardisé, c’est un travail où tout est routine, tout est ennui. On exécute et on ne pense pas ».

C’est difficile de ne pas penser que cette affirmation est juste. D’ailleurs, c’est ce que j’ai pensé lorsque j’ai parlé de la ligne de fabrication d’avions en papier dans l’article de la semaine dernière (Rentabilité et réduction du stress… par la contrainte !). Lorsque j’ai écrit « L’impression générale est celle de deux équipes qui travaillent tranquillement, sans stress », je n’ai pas pu m’empêcher de penser que ça serait très ennuyeux de faire ça toute la journée.

Et le commentaire d’Isabelle le confirme :

« Une telle approche sous-entend que les différents intervenants donnent davantage de valeur à un environnement calme qu’à l’excitation produite par la pression, même si celle-ci s’avère contre-productive. Est-ce que ce n’est pas un problème essentiel de notre vision du travail ? Il est souvent vécu comme plus valorisant d’être débordé (= actif et important) que d’être tranquille (= ramollo, sans responsabilités), non ? »

Oui, Isabelle a raison, nous apprécions l’excitation produite par la pression mais aussi par la nouveauté. Et oui, nous avons tendance à valoriser les gens débordés plutôt que ceux dont le rythme est calme.

Ca me fait penser à ce film que nous avions réalisé sur notre ligne de fabrication voici une quinzaine d’années. Nous avions choisi de filmer trois opérateurs pour chaque poste, un « lent », un « rapide » et un « moyen ». Evidemment, nous n’avions pas dit cela aux opérateurs concernés lorsque nous leur avons demandé leur accord. Et heureusement ! Notre jugement ne portait pas du tout sur leur allure réelle, mais sur leur rythme. La personne la plus « lente, (appelons-la Denise), » réalisait la même opération que ses collègues à une vitesse 10% supérieure ! Denise travaillait à un rythme très lent, avec une économie de gestes telle qu’elle pouvait aller très vite. C’était un modèle que tout le monde aurait dû copier ! Pourtant, plus de 15 ans après, son rythme m’évoque toujours l’ennui.

Je crois que nous avons raison de nous méfier de la routine et encore plus de la standardisation.

La standardisation, c’est souvent comme un nivellement aveugle

Le mot d’ordre derrière l’idée de standardisation est souvent « aucune tête ne doit dépasser », « tout le monde doit faire exactement de la même façon ». Ce sont des mots d’ordre qui me font horreur…

C’est pourtant une bonne idée lorsqu’on produit des biens ou services aux caractéristiques définies. On a besoin d’uniformiser les pratiques pour obtenir le même résultat quel que soient les personnes qui ont réalisé ces produits ou services. En tant que client, vous vous attendez à obtenir le même service quel que soit la personne qui le réalise.

En fait, ce n’est pas le principe de standardisation qui nous déplait, mais la manière dont il est mis en œuvre. Pour beaucoup, un standard, c’est un mode opératoire qui devrait transformer l’homme en quasi-machine, faciliter son remplacement immédiat et éviterait toutes les erreurs.
Jim Whitehurst: 20th century companies are already hiring 21st century employees
Je vois beaucoup de modes opératoires (parfois appelés « instruction de travail » ou « procédure ») dans les entreprises que je visite, en particulier lorsqu’elles sont certifiées ISO 9001. En général, ces documents ont été rédigés depuis plusieurs années. Je n’ai jamais vu qui que ce soit s’y référer pour expliquer ce qui est fait à un poste de travail. Je n’ai jamais non plus rencontré de responsable hiérarchique qui pense que c’est sa responsabilité de s’assurer du respect des modes opératoires.

Au mieux, le mode opératoire sert juste à être affiché. Tout le monde est content, il est présent. Au pire, il sert à démontrer que quelqu’un a commis une faute puisqu’une enquête réalisée après l’apparition d’un problème démontre que cette personne n’a pas respecté le mode opératoire.

Standardiser, ce n’est pas décrire des pratiques

On croit trop que standardiser c’est écrire ce qui se passe. La conséquence, c’est qu’on confie à quelqu’un qui « sait écrire » la réalisation dudit standard. C’est souvent le responsable Qualité : il a l’habitude d’écrire et est au courant des exigences de forme pour le type de document à réaliser.

Je pense que standardiser, c’est communiquer la bonne information à ceux qui font, pour éviter les dérives, voire les erreurs. Ca suppose que cette communication ait au moins ces trois caractéristiques :

  • Elle est ompréhensible (dans le langage du destinataire) ;
  • Elle donne envie d’être entendue (porte sur des sujets qui intéressent les destinataires, donc sur des points sur lesquels ils ont des doutes, ou sur lesquels ils ont déjà rencontré des problèmes).
  • Elle donne envie d’être respectée : si quelqu’un doit changer ses pratiques, il vaut mieux qu’il soit convaincu que c’est utile.

Le meilleur moyen de faire ça, c’est de faire créer les standards par ceux qui les mettent en oeuvre.

Comment réaliser de « bons » standards ?

Ce sera l’objet d’un article à venir. Il y sera question des sujets suivants :

  • Comment identifier les meilleures pratiques ?
  • Comment faire réaliser un standard par l’équipe qui va le mettre en œuvre, pas par un responsable qualité ou autre personne extérieure au poste.
  • Quels moyens autres que l’écrit pouvons-nous utiliser pour un standard

J’espère aussi que j’aurai l’occasion de dire pourquoi un standard n’est JAMAIS réalisé pour que n’importe qui puisse réaliser une tâche à la place du titulaire habituel !

Et vous, que pensez-vous de la standardisation ? Avez-vous des exemples (positifs ou non) à partager avec nous ? Utilisez les commentaires ci-dessous !.

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