Le 24 juin, j’ai assisté à la présentation d’un nouveau bâtiment de bureau, aux normes « maison passive » (PassivHaus). La démarche de l’architecte et du thermicien m’a beaucoup intéressée car c’est une source d’inspiration pour d’autres activités : on ne peut viser le zéro défaut sans adopter un comportement différent de ce que l’on observe ailleurs.

Un bâtiment avec une performance énergétique exceptionnelle

Ce bâtiment, le siège de la Communauté de Communes du Pays Bigouden (29710 Pouldreuzic), a fait l’objet d’une rénovation et extension cette année.

Le résultat a une performance énergétique supérieure à la réglementation, et même aux exigences du label « passivhaus ». Pourtant, il n’a pas coûté plus cher qu’une construction aux normes RT 2012, et l’objectif de coût initial a été respecté.

Et pour corser le tout, ce bâtiment doit être certifié conforme à la norme PassivHaus et ce n’est que le troisième à l’être dans le finistère. Les intervenants locaux sont donc peu habitués à de telles exigences.

A mon avis, un tel challenge n’aurait pas pu être relevé par des équipes « ordinaires ». Je me suis donc demandée pourquoi notre duo architecte – thermicien a réussi. Je crois que ça tient à trois clés :

  1. une gestion de projet axé sur le « faire » ;
  2. une conception guidée par la faisabilité, l’écologie  et l’économie ;
  3. enfin, un véritable management autour d’une mission claire.

Une gestion de projet axée sur le « faire »

L’architecte, Pierre BRULE (cabinet Brulé Architectes Associés) et le thermicien Guillaume TOBIE (bureau d’étude Batitherm Conseils) ont géré l’ensemble du projet en pensant au résultat, à l’étanchéité qu’il fallait obtenir et à la nécessité de réduire les ruptures de pont thermique.

Le risque principal de ce chantier venait de l’inexpérience de tous les corps de métier. Aucun n’avait construit de maison PassivHaus à ce jour, encore moins un petit immeuble de bureaux (700 m²), et encore moins une extension qui présentait de multiples opportunités de ponts thermique.

La gestion de projet a donc été vue comme une occasion d’enseigner de nouvelles méthodes à tous les intervenants, sur un plan « théorique » par des réunions avec toutes les entreprises avant le démarrage, mais aussi dans le quotidien avec un suivi rigoureux des réalisations.

Les représentants de l’agence d’architecture ont rencontré chaque entreprise avant le début du chantier. Ils ont, en coopération avec le bureau d’étude thermique, réalisé au moins une trentaine de plans de détails, pour chaque élément qui pouvait générer une rupture de pont thermique en cas de pose incorrecte. Les réunions ont permis d’expliquer la conception et de co-construire les modalités de réalisation.

Le moindre défaut doit être corrigé pour une étanchéité à l’air presque parfaite. source : photo Pierre BRULE architecte

Le moindre défaut doit être corrigé pour une étanchéité à l’air presque parfaite. source : photo Pierre BRULE architecte

Le suivi de chantier a été l’occasion de dénicher toutes les petites anomalies pour les corriger avant qu’il ne soit trop tard. Ainsi chaque intervenant était équipé d’un rouleau de scotch spécial pour réparer les accrocs au voile d’étanchéité. C’est par une telle exigence pour tous les détails, que l’étanchéité finale du bâtiment est largement inférieure aux spécifications requises. Mais c’est aussi un excellent moyen de s’assurer que chacun apprend en faisant.

Une conception guidée par la faisabilité, l’écologie  et l’économie

La conception du bâtiment était complexe du fait de l’exiguïté du terrain. Un cube (une « boîte d’allumettes ») aurait été très simple à concevoir et réaliser, mais ce n’était pas du tout possible dans ce projet.

Pourtant, la conception a été guidée par des principes qui garantissent une empreinte écologique aussi réduite que possible, un impact local positif et un coût conforme au budget :

  • les plans doivent être réalisables par une personne normalement compétente, dans les temps prévus ;
  • les choix de matériaux sont fonction des possibilités d’approvisionnement et de mise en œuvre locale, ainsi que de l’empreinte écologique du chantier : ainsi, le béton a été choisi plutôt que le bois pour la structure, afin d’éviter de faire venir des installateurs de loin ;
  • dans la mesure du possible, et en particulier pour les éléments clés de la performance énergétique, la pré-fabrication en usine a été préférée. Ca a permis de réduire les ponts thermiques, la durée de chantier et aussi les erreurs.

Ces principes simples, qui guident la conception, facilitent ensuite la réalisation. Cette méthode devrait inspirer bien des entreprises : j’ai vu tellement souvent des produits conçus sans prendre réellement en compte la fabrication ultérieure…

un véritable management autour d’une mission claire et ambitieuse

Nous avons vu que l’équipe de conception a largement pris en compte l’empreinte écologique du projet. Ils sont allés beaucoup plus loin encore puisque leur ambition était de « construire un bâtiment confortable pour ses occupants, été comme hiver ». Pas de concevoir un bâtiment répondant à telle ou telle norme… Et cette mission n’est pas vue juste pour le moment de la livraison, mais bien pour la durée de vie du bâtiment.

Animés par cette mission, le cabinet d’architecte et le bureau d’étude ont pu transmettre aux équipes d’intervenants cette nécessité de faire plus que juste réaliser une commande. Ca me fait penser à l’histoire du maçon qui construit une cathédrale alors que son collègue pose des briques (racontée dans cet article, « Donner du sens, pour plus de performance »). Lorsqu’on a une mission, on sait pourquoi on fait les choses et on transmet son enthousiasme, on prend des décisions justes, on accepte volontiers de viser la perfection.

Lors de la présentation du bâtiment par son architecte, j’ai aussi été frappée par son humilité. Je me demande si cette humilité n’est pas finalement la clé de voûte de ce projet. En effet, l’architecte humble se met au service d’un idéal qui le dépasse, il parvient à emporter l’adhésion de tous ses partenaires, et tous s’investissent pour que chaque détail soit juste.

Chacun de nous pourrait s’inspirer de cette histoire pour progresser encore, pour mieux manager ses projets. Que l’on soit architecte, ingénieur thermicien, dirigeant d’entreprise ou manageur, nous devrions tous nous demander quelle est la mission que nous remplissons pour nos clients et mettre tout en œuvre pour qu’elle soit réalisée.

Et maintenant ?

Et vous, qu’est-ce que cette histoire vous inspire pour améliorer votre modèle de réussite ?

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