Le lean management est controversé : mal appliqué, il peut conduire à des risques pour la santé des salariés. Bien conduit, en s’appuyant sur l’amélioration continue ET le respect des personnes, c’est un moyen enthousiasmant de faire gagner toutes les parties prenantes de l’entreprise.

J’ai eu la chance de visiter une usine allemande de plusieurs centaines de salariés courant avril. Cette usine a entamé une démarche de lean management depuis plusieurs années. Je vous propose de partager ici les deux principaux enseignements de cette visite. 

Voir les problèmes, sans compromis

En entrant dans l’usine, on passe devant l’espace de communication. On y trouve des informations claires sur des indicateurs tels que :

  • Le niveau de qualité
  • Le taux de service de production
  • Le lead time de production (temps d’écoulement entre la commande et sa livraison)
  • Le taux de retouches

Des descriptifs des dernières améliorations (avec leur impact et une photo avant / après) sont également affichés. Ce très grand tableau n’est pas très original : on le trouve dans beaucoup d’usines. Il a cependant la caractéristique (plus rare malheureusement) d’être très clair, de ne communiquer que des informations sur lesquelles les gens de production peuvent agir.

Chaque ligne de production dispose aussi d’un tableau de communication favorisant les échanges entre membres de l’équipe, lors de brèves réunions quotidiennes. Cela est aussi assez fréquent.

Chaque unité en cours de production dispose d’une étiquette ANDON signalant son état : ROUGE (problème avéré), JAUNE (problème possible) ou VERT (tout va bien). Le rôle du manager est d’éviter que le rouge n’apparaisse.

Note : l’andon sert à alerter en cas de problèmes, pour que le manager se précipite et vienne aider l’opérateur à le traiter immédiatement. C’est un système qui permet de voir qu’il y a un problème, mais également d’inciter à l’action immédiate.

C’est un système classique en lean, mais rarement appliqué de cette façon.  L’usine a en effet la spécificité d’une très grande diversité de produits finis (du sur mesure complet au produit standard adapté aux besoins du client) et d’un temps d’écoulement très long (1 produit fini tous les 2 jours environ). Du fait des spécificités de chaque unité, il est préférable d’avoir un andon par produit engagé dans le flux.

Tulipes rouge

Du rouge partout, pour cultiver les bons comportements !

L’une des fonctions essentielles de l’andon est d’être visible, pour provoquer l’action. Sur une ligne de production traditionnelle, lorsqu’il y a un problème, vous voyez un voyant rouge allumé, un seul. Lorsque vous faites le choix d’afficher les problèmes par unité en cours, vous avez parfois beaucoup de signaux rouges. Le responsable lean nous a d’ailleurs expliqué que cette visibilité n’a pas toujours été simple. Il a fallu batailler pour faire accepter par tous qu’il faut de la transparence et de la clarté. Par exemple, après une réimplantation, le directeur a visité l’usine. Il a été horrifié par les 80% de chariots porteurs d’un ticket andon rouge. Il voulait que ce soit enlevé avant une visite client prévue pour le lendemain (« on ne peut pas montrer ça ! »). L’équipe de production a fait valoir que c’était la réalité, les matières premières n’arrivaient pas. Ils ont expliqué l’importance que tous voient : les « coworkers » (équipiers ou opérateurs en français), les superviseurs, le responsable d’atelier, la direction et…les clients. Leur point de vue l’a emporté. La visite a eu lieu et les clients ont félicité l’entreprise pour sa transparence ! « 100% des clients aiment la transparence ! » a conclu le responsable lean.

Il faut du temps, beaucoup de temps

Durant la visite, le responsable du lean management a également attiré notre attention sur le fait « qu’il faut 5 à 10 ans pour que les gens changent vraiment » et donc avant que les pratiques et comportements deviennent vraiment durables.

C’est aussi ce qu’affirment d’autres personnes, telles Karen Martin (voir les documents de son excellente téléconférence du 3 mai 2012, en anglais, dans les sources citées en dessous de cet article). Partant du principe que « nous devons améliorer notre manière d’améliorer », Karen martin explique que la maîtrise totale requière beaucoup de pratique. Tous les grands sportifs et les grands artistes s’entrainent énormément. A la question combien d’heures d’entrainement, elle répond : 10 000 h, soit environ 10 ans de travail intensif !

Elle poursuit en expliquant qu’il faut beaucoup de discipline pour pratiquer autant. Il s’agit de travailler dur, non pas pour corriger des faiblesses mais dans le but de devenir meilleur.

En attendant de voir le résultat de notre travail acharné pour s’améliorer individuellement et collectivement, il faut donc être vigilant et entretenir, cultiver les bonnes pratiques et les bons comportements qui ne sont pas totalement ancrés dans chacun des équipiers.

Cette visite était donc passionnante et enrichissante. Je suis enchantée de pouvoir en partager un bout avec vous et j’espère que vous aurez ainsi pu voyager avec moi vers un peu plus d’excellence.

Et vous, avez-vous des expériences intéressantes à partager avec nous. Faites un commentaire ou envoyez un mail (contact@valeurperenne.com) pour proposer un article ou une histoire à transformer en article.

Quelques sources d’inspiration et liens utiles

une excellente présentation, en anglais malheureusement, de Karen Martin (dont le beau slogan est « profit through simplicity ™» « des profits par la simplicité ») : « the outstanding organization : the power of discipline » (l’organisation exceptionnelle : le pouvoir de la discipline) – Le diaporama ou la vidéo 

 

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