Nos entreprises sont organisées autour d’une idée simple : « tous les salariés sont mauvais » et « une grande partie d’entre eux sont des cons ».
- On ne leur fait pas confiance et donc ils ne sont pas toujours corrects.
- On les traite comme des imbéciles et donc ils se gardent bien d’émettre la moindre idée.
On a finalement les salariés qu’on mérite…
Et si on inversait le postulat ? Que se passerait-il si on organisait les entreprises autour de l’idée que « tous les salariés sont bons et intelligents » ?
Il faut des gens qui pensent pour les autres et des contrôleurs
J’ai lu un document extraordinaire sur le patron de FAVI (« FAVI le petit patron naïf et paresseux »). Parachuté directeur d’une fonderie, il utilise ses premiers mois pour observer et écouter, sans rien changer, sans rien dire.
Il se rend compte que toute l’organisation est fondée sur l’idée que l’homme est MAUVAIS. Cet homme mauvais « va tout faire pour éviter le travail ». Il doit donc « être dirigé, contrôlé, forcé, voire même menacé pour travailler. Il préfère être dirigé et fuir les responsabilités».
Notre dirigeant, Jean-François ZOBRIST, décide donc de changer totalement les fondamentaux. Il est naïf et donc persuadé que l’homme est « BON »…
Avancer à petits pas, procéder selon les circonstances
Notre « petit patron » nous dit qu’il faut avancer à petits pas. Il faut aussi savoir jeter toute l’entreprise à l’eau ! C’est ainsi qu’il a prononcé un discours révolutionnaire neuf mois après son arrivée. Il y annonce que les pointeuses vont être supprimées, que les portes du magasin de stockage ne seront plus fermées à clé, qu’il n’y aura plus de primes de rendement…
Evidemment les cadres se révoltent : » Vous ne les connaissez pas ! Ça va être le bordel ! On a toujours travaillé comme ça ! Comment voulez-vous qu’on se fasse respecter s’il n’y a plus de primes ! Ils vont tout faucher ! Les cadences vont s’effondrer…. »
25 ans après, en 2003, petits pas après petits pas, l’entreprise compte 600 salariés (contre une centaine au départ). L’entreprise sert les plus grands constructeurs automobile du monde et exporte jusqu’en Chine. FAVI est devenu « premier fournisseur européen de fourchettes et de sous-ensembles complets de commandes internes de boîtes de vitesses ». Ses concurrents européens ont, pour beaucoup, succombé. Ils sont morts d’avoir maintenu un système qui ne permet pas à chaque homme de donner le meilleur de lui-même, à son entreprise, et ses clients. Nous avons donc la preuve qu’un management inversé peut fonctionner et produire de la performance pour tous : les actionnaires, mais aussi les clients et les salariés.
L’exemple de FAVI : performance et management à l’envers
Le chapitre 51 de « FAVI le petit patron naïf et paresseux » est particulièrement délicieux. Après une histoire drôle, on passe des éléphants aux vaches puis au rôle de tous ceux qui ont un titre dans l’entreprise.
Beaucoup de ces gens comptent les vaches le long des voies ferrées. Ils savent dire très précisément (2 chiffres après la virgule !) la fréquence d’apparition des vaches selon leurs caractéristiques. Mais n’allez pas leur demander d’empêcher ces vaches de perturber le fonctionnement des trains ! Parfois même, ils ne communiquent même pas leurs statistiques. Je crois reconnaître des contrôleurs de gestion ou des qualiticiens, et bien d’autres…
Note : Ceux qui ont un titre de fonction, ce sont ceux qui ne sont pas opérateurs ou ouvriers. On a trop tendance à considérer que ces opérateurs doivent être surveillés et commandés. Ils n’ont pas de titre et donc pas d’importance. Et pourtant, ce sont ceux qui font, ceux qui sont en première ligne au service du client…
Finalement, qui fonctionne à l’envers ? Favi ou les entreprises «normales ? »
Qui fait la bonne usine ?
Un jour, un opérateur fait cette remarque « Vous savez M. Zobrist, ce n’est pas le bon patron qui fait la bonne usine, c’est le bon ouvrier ! ». « Ah bon ? » lui a-t-il répondu « et à quoi je sers, moi alors ? » « A faire de bons ouvriers ». « Pour Jean-François Zobrist, dans un pays où la valeur ajoutée à l’heure de travail est la plus élevée au monde, cet opérateur avait tout compris : le travail du dirigeant, c’est d’avoir de bons ouvriers. » (Source Un article de la newsletter de Eure Expansion « Pas de performance sans bonheur ! »)
Jean-François ZOBRIST conclut « De fait, j’ai l’impression d’avoir été simplement un tuteur présent au bon moment, et au bon endroit, sur une terre particulièrement fertile où une plante d’une autre espèce ne demandait qu’à se développer !
J’ai tout au plus été le catalyseur d’une attente latente ! »
Quand on voit ce qui se passe dans cette usine qui met en œuvre l’amélioration continue (le Lean management), qu’on voit les incroyables richesses détenues par les opérateurs (ceux qui n’ont pas de titre), on vient à se demander si FAVI n’est pas le précurseur de ce que seront toutes les entreprises performantes de demain.
Alors, croyez-vous toujours que le modèle « commander et contrôler » est le seul qui vaille ? .
Quelques sources d’inspiration et liens utiles
Un article de l’Express : « L’entreprise sans hiérarchie, ça marche ! »
Vidéo d’une Conference de Jean Francois Zobrist ( CJD a Biarritz – novembre 2009)
Un article de la newsletter de Eure Expansion « Pas de performance sans bonheur ! »
A lire aussi, le livre Liberté & Cie, de Isaac Getz et Brian Mc Carney (lien Amazon)
Bravo Anne-Laure, il faut savoir dire les choses sans détours. Il suffit d’écouter les ouvriers dans les restaurants dits »ouvriers » pour comprendre la réalité de nos organisations. Depuis plus de 15 ans Hervé Serieyx prêche ce nouveau management, sans beaucoup de résultats.
Pourquoi nos organisations sont-elles si lentes à changer ?
Pourquoi ne pas commencer par supprimer le statut cadre qui renforce les différences? Les étudiants sont-ils formés à ce « management de bon sens » ou sont-ils poussés à croire que demain ils seront chefs?