Et si on prenait le problème à l’envers ? Pour être plus performant, ne faudrait-il pas créer plus de valeur pour le client ? Est-il si raisonnable de chercher seulement à réduire les coûts ?
Pour Art Byrne, qui a dirigé des entreprises aux USA pendant 30 ans, la réponse est évidente : « il faut se focaliser sur la création de valeur pour le client. Le lean management ne devrait pas être relégué aux opérationnels. C’est un moyen stratégique et le dirigeant doit l’utiliser et s’y investir pleinement.
Le lean est une activité stratégique
Art BYRNE vient d’écrire – en anglais – « The Lean Turnaround: How Business Leaders Use Lean Principles to Create Value and Transform Their Company » (Lien Amazon). Joe DAGER, de Marketing 901, publie une très intéressante interview de ce dirigeant « lean » reconnu (Lean at its core is a very Strategic Thing ) .
Art Byrne y explique que « presque toutes les approches traditionnelles considèrent comme évident l’aspect « donner de la valeur au client ». Le dirigeant considère ainsi comme « normal » d’avoir, par exemple, un délai de livraison de 6 semaines. Il développe sa stratégie sans remettre en cause cette durée.
Art Byrne pense qu’au contraire la stratégie devrait être construite autour d’une seule obsession, donner plus de valeur au client. Le dirigeant de notre exemple entreprendrait alors de transformer son entreprise pour arriver à un délai beaucoup plus court. La réduction des délais permettrait de réduire les gaspillages (donc les coûts) mais surtout de proposer des offres différenciées aux clients. C’est en ça que le lean est un moyen stratégique et non seulement opérationnel. Il ne s’agit plus de demander « au client de se conformer à ce que l’on fait » mais de lui proposer une offre complètement différente. On apporte ainsi plus de valeur que les concurrents et ceux-ci auront beaucoup de mal à s’adapter sans augmenter leurs coûts.
Le client d’abord, le résultat pour l’actionnaire en découle !
Art BYRNE donne une magnifique définition de ce qu’est une entreprise : « C’est un groupe de personnes, et un ensemble de processus, qui essaient ensemble de fournir de la valeur aux clients. ». C’est valable aussi bien pour de l’industrie que pour des services. Le lean s’applique à ces deux activités et n’est pas réservé à la production de biens.
Art Byrne regrette que l’approche classique consiste à privilégier la valeur pour l’actionnaire. Selon lui, c’est le résultat, pas la stratégie. C’est en donnant beaucoup de valeur aux clients qu’au final on en donne aussi aux actionnaires.
Cessons de regarder dans le rétroviseur et avançons !
Une stratégie lean permet donc d’améliorer significativement la valeur ajoutée de l’entreprise et par extension sa productivité. Lorsqu’on se focalise sur les coûts, on regarde les résultats du mois. Et comme le dit Art BYRNE, « vous vous concentrez sur quelque chose qui est déjà passé. Vous ne pouvez rien y faire, c’est déjà arrivé. (…). C’est comme si vous tentiez de conduire une voiture en utilisant seulement le rétroviseur. ».
« Une stratégie lean est une manière d’obtenir de la productivité en se concentrant sur les activités qui ajoutent de la valeur. Cela donne l’opportunité de croître et d’augmenter ses parts de marché. C’est particulièrement important en ce moment où l’économie est stagnante et où les gens se battent pour obtenir un peu de croissance des ventes ».
Et finalement, Art BYRNE n’hésite pas à dire que « l’approche lean est le plus grand moteur de richesse jamais inventé ».
C’est une approche originale, malheureusement
Je vous ai traduit des extraits de cet entretien car il me paraît original. Aujourd’hui le lean en France est pratiqué de manière beaucoup plus limitée :
- La pire des approches est celle du cost-killing, dans laquelle on cherche à tout prix à réduire les coûts à court-terme, souvent au mépris de la santé des salariés.
- Une meilleure approche fondée sur des principes qui garantissent des bénéfices plus durables pour l’entreprise. En général, les changements profonds de l’entreprise démarrent par des projets qui combinent l’amélioration des conditions de travail et l’obtention de gains financiers.
Une entreprise ne s’enrichit que si des clients lui achètent des produits ou des services. L’intérêt à court et moyen terme du dirigeant est donc d’enchanter ses clients pour qu’ils distribuent de la valeur aux actionnaires et même à toutes les autres parties prenantes de l’entreprise : ses salariés, ses fournisseurs et l’Etat ou la société Civile. Il nous faut donc aller encore plus loin dans nos pratiques du lean management : respect des hommes et réduction des gaspillages, mais en étant obsédés par la valeur apportée au client.
J’ai commandé le livre d’Art BYRNE et je prévois de vous faire une restitution prochainement ! J’espère que cet article vous aura donné envie d’en savoir plus sur ce que recommande ce dirigeant.
Alors, vaut-il mieux réduire les coûts ou augmenter la taille du gâteau que toutes les parties prenantes de l’entreprise se partagent ?.
Note : Wiremold est l’une des entreprises que Art Byrne a dirigé durant les trente dernières années. James Womacket Daniel Jones en ont fait une analyse détaillée dans le chapitre 7 du livre fondateur du lean « Système Lean: Penser l’entreprise au plus juste » ((Système Lean: Penser l’entreprise au plus juste)
Quelques sources d’inspiration et liens utiles
Un article en anglais de Industry Week, « The Lean CEO effect », qui parle aussi de Art Byrne.
Dans cette période de changement, trop d’entreprises vont vouloir réduire les coûts et vont en même temps dégrader la valeur apporté aux clients. Les financiers auraient-ils trop de pouvoir dans nos entreprises? Pourquoi cette situation?
L’avantage concurrentiel de son offre est la priorité d’une entreprise. C’est le seul moyen d’apporter plus de valeur à ses clients. Et les salariés sont les garants que cette valeur sera réellement apportée aux clients. Il faut donc que ceux-ci soient heureux au travail.
Bravo pour cet article Anne Laure