Changer son entreprise, innover pour avoir une organisation interne meilleure… C’est la volonté de bon nombre de dirigeants. Et pourtant, rare sont ceux qui réussissent.
La raison principale, c’est qu’on considère que le changement est le résultat d’une idée précise, alors que c’est un processus systématique qu’il faut enraciner dans l’entreprise.
Quelles sont les « bonnes » méthodes de management pour enraciner l’amélioration ? Quels sont les pièges à éviter absolument ? C’est ce que nous allons voir ensemble.
Pour innover, il suffit d’une idée géniale ?
Peter Drucker, dans l’article cité ci-dessous, estime que l’innovation se trouve à la croisée de l’inspiration et du travail acharné. Il écrit :
« Tous les entrepreneurs qui réussissent ont en commun un engagement dans une pratique systématique de l’innovation, et non pas des personnalités particulières. (…) Il y a évidemment des innovations qui viennent d’un coup de génie. Mais la plupart, et surtout celles qui réussissent, sont le fruit d’une recherche consciente et déterminée d’opportunités d’innovation, qui se trouvent seulement dans quelques situations. »
Et bien pour l’innovation organisationnelle, il en va de même. La plupart des changements innovants sont le fruit d’un processus systématique d’innovation, pas d’une idée géniale. Et dans ce cas, le rôle du management est essentiel pour que ce processus systématique prenne véritablement racine dans l’entreprise.
Le lean Management (amélioration continue) est un excellent moyen d’ancrer ce processus d’innovation organisationnelle. Attention, il ne s’agit en aucun cas de l’utilisation d’un outil tel que le kanban, les 5S ou autres, mais bien de management !
Pour illustrer, nous allons suivre une entreprise dans le déploiement du Lean Management. A différents stades du changement, nous verrons quelles sont les erreurs à éviter et les méthodes de management qui vont renforcer et ancrer l’amélioration permanente.
Une entreprise « normale », avant le changement
C’est une PME dans laquelle chacun fait de son mieux. On travaille comme il y a dix ans mais la pression des délais, qualité et coûts a beaucoup augmenté. La rentabilité n’est pas très bonne, on a du mal à vendre sans remises. Parfois, on a des stocks importants. Souvent, on est dans l’urgence chaque jour.
C’est souvent le dirigeant qui décide ce qui va être produit et quand. Il sait quand il faudrait avoir terminé une commande et combien il faudrait qu’elle coûte. Mais il y a souvent des retards ou des coûts supérieurs aux prévisions. Tout le monde fonctionne à vue : si personne ne dit qu’il y a un problème, tout va bien. Tous se sont habitués au fonctionnement :
- C’est normal de ne pas savoir précisément où on en est ;
- C’est normal d’avoir des urgences qui font mettre de côté d’autres production ;
- C’est normal de devoir interrompre une fabrication car il manque des composants,
- C’est normal de ne jamais pouvoir se dire qu’on a vraiment bien travaillé.
Le changement est amorcé, attention !
Notre PME commence le déploiement du Lean Management. 6 personnes ont participé à un premier chantier d’amélioration. Les résultats sont au rendez-vous et ils ont pris confiance en eux. Ils ont pris l’habitude de chercher les causes racines d’un problème au lieu de sauter sur la solution de celui qui parle le plus fort. Ils savent également que les cycles d’essai / amélioration permettent de trouver des solutions simples et efficaces.
Tout paraît bien engagé. Mais ATTENTION, danger !
C’est facile de mener à bien un chantier. Ce qui est vraiment difficile, c’est de maintenir les résultats et d’élargir à l’ensemble de l’entreprise. Il y a 5 principaux pièges :
Piège n°1 : La Direction ou les responsables continuent à venir donner des solutions et des directives pour de nouveaux changements.
On aura effectivement de meilleurs résultats à court terme (si les décisions sont bonnes…). Mais Les salariés vont vite recommencer à exécuter les ordres et cesser de mettre leur cerveau au service de l’amélioration. Les habitudes prises durant le premier chantier ne se sont pas encore ancrées. On revient très facilement à la situation initiale. Il faut au contraire viser l’amélioration des compétences collectives à moyen terme et aider les premiers participants à poursuivre dans leur lancée.
Piège n°2 : On ne fait pas ce qu’on a dit
J’ai lu quelque part la devinette suivante :
« 5 grenouilles sont assises sur un rocher. 4 décident de sauter à terre. Combien en reste-t-il ? »
Notre cerveau va répondre « Une ! ». Mais décider n’est pas faire…. Après avoir parlé, on doit s’engager à faire ! Sinon, on a perdu son temps et toutes les grenouilles restent sur le rocher.
Piège n°3 : Contrôler que les changements se maintiennent
La tentation est grande de mettre en place des contrôles périodiques pour vérifier que les changements décidés sont toujours appliqué. Je vous ai déjà parlé de cette entreprise dont le service qualité faisait un contrôle hebdomadaire des 5S (les 5S, un outil à double tranchant…). L’inconvénient de cette méthode est qu’elle déresponsabilise les salariés. Le meilleur système est de faire participer les salariés à la définition des règles puis au suivi de leur respect. Ainsi, on ne se satisfait pas d’un premier changement, on s’engage dans l’amélioration permanente.
Piège n°4 : Pas de management visuel
Il faut parvenir à voir d’un coup d’œil si tout est normal. Sans quoi, on n’identifie pas de nouveaux problèmes. Deux exemples :
- Les fameux tableaux d’outils, issus des 5S, sur lesquelles on voit la forme des outils : ils permettent de voir d’un coup d’œil si des outils manquent ou sont mal rangés.
- Un tableau de suivi de production, rempli chaque heure (ou plus) par un opérateur : il permet à chacun de savoir s’il est en avance ou en retard par rapport à la progression prévue. Il permet aussi de noter les évènements qui ont provoqué une avance ou un retard. Ce sont des manifestations de problèmes qu’il faudra résoudre.
Piège n°5 : Pas de challenges
Les quatre premiers pièges doivent être évités si on veut que le changement s’installe vraiment. Mais il arrivera un moment où les idées d’amélioration vont se tarir, faute d’identification de problèmes à résoudre. Et c’est là que la Direction et les responsables peuvent vraiment impulser un mouvement perpétuel d’amélioration. Ils doivent lancer des défis : « et si… on fabriquait ça tous les jours », « et si… on divisait par deux le nombre de personnes sur cette ligne », … A ce sujet, on pourra relire mon article « Mettre la barre toujours plus haut » publié sur un autre site.
L’amélioration continue s’installe vraiment
Les délais se réduisent vraiment, les stocks baissent, on fait plus avec autant, la qualité augmente !
Tout le monde est impliqué et a pris de bonnes habitudes :
- Chacun écoute l’autre ;
- On apprend tous les jours ;
- On améliore tous les jours ;
- On est content de faire émerger des problèmes à résoudre ;
- On sait chercher les causes racines pour éradiquer vraiment les problèmes ;
- Chacun se sent responsable et a confiance dans sa capacité à améliorer.
Et ça ne peut se faire que si les méthodes de management évoluent, et en particulier si :
- Les responsables enseignent l’amélioration plutôt que d’imposer des solutions ;
- La discipline interne permet de maintenir et d’améliorer les règles de fonctionnement ;
- On fait toujours ce qu’on dit ;
- On se lance des défis, pour aller plus loin dans l’apprentissage et l’amélioration.
<p><em>Qu’en pensez-vous ? </em></p>
Quelques sources d’inspiration et liens utiles
Un article de Tim Kastelle : « The Discipline of Innovation » , inspiré d’un article du même titre de Peter Drucker.